Art et accompagnement, que dit la recherche ?

Un rapport de l’OMS publié en 2019 a démontré les bienfaits de la création artistique. Plus de 900 apports positifs pour la santé, tant physique que mentale: réduction du stress, meilleur sommeil, renforcement du bien-être.

L’art, c’est bon pour la santé

Complémentaires aux protocoles thérapeutiques, les activités artistiques ont de nombreuses vertus. «Faire entrer l’art dans la vie de quelqu’un par le biais d’activités telles que la danse, le chant ou la fréquentation de musées et de concerts nous donne une clé supplémentaire pour améliorer notre santé physique et mentale», souligne dans un communiqué le Dr Piroska Östlin, Directrice régionale de l’OMS pour l’Europe. L’agence onusienne formule plusieurs recommandations afin de promouvoir l’art dans le secteur de la santé :

· veiller à ce que des programmes «d’art pour la santé» existent et soient accessibles au sein de la communauté ;

· aider les organismes artistiques et culturels à intégrer la santé et le bien-être dans leur travail ;

· promouvoir une sensibilisation du public aux bienfaits potentiels de l’art pour la santé ;

· inclure les arts dans la formation des professionnels de santé ;

· introduire ou renforcer les mécanismes par lesquels les établissements de santé ou d’aide sociale prescrivent des programmes ou des activités artistiques ;

· investir dans des études supplémentaires portant en particulier sur un recours accru à des interventions dans le domaine de l’art et de la santé, et sur l’évaluation de ces dernières.

Ce numéro du journal Exister entend participer à la sensibilisation des personnes actives dans les domaines de l’art, de la santé et du social. Les interactions et développements possibles sont vastes et prometteurs.

 

L’exemple de Matisse

Dans une étude sur les enjeux de la créativité dans les soins et l’accompagnement, le Dr Luc Vanden Driessche convoque le tableau La tristesse du roi reproduit plus haut. Le chercheur y observe « une célébration du mouvement auquel l’auteur n’a plus accès : le roi triste, c’est lui évidemment».

En effet, Henri Matisse est à cette période-là définitivement immobilisé à la suite de deux graves opérations. Ses assistants avaient reçu la commande de pratiquer le découpage et le collage du papier gouaché. L’œuvre met en scène trois personnages: un joueur de tambourin, un roi jouant de la guitare et une danseuse. Si l’artiste a souvent fait référence à la scène biblique dans laquelle David joue de la harpe pour apaiser le roi Saül, cette scène montre aussi son intérêt pour la musique et pour la danse.

Le Dr Luc Vanden Driessche observe trois dimensions constitutives de l’acte de création: une problématique à résoudre (celle du handicap qui immobilise l’artiste), un autoportrait à un moment donné de l’histoire de son auteur et un jeu d’abstraction. Selon le chercheur, «la créativité et la part d’autoreprésentation imaginaire qu’elle requiert permettent d’approcher le réel» (2011a).

A nous de nous emparer des outils les plus pertinents pour nos pratiques! Les contributions qui suivent offrent un large éventail de ressources pour celles et ceux qui désirent tirer profit des bienfaits de l’expression artistique.

 

Article réalisé par Laetitia Gern dans « Créativité et accompagnement des addictions », Exister Journal de la Croix-Bleue romande, n°32 Décembre 2023.

Vous pouvez commander le journal par la poste (CHF 10.-) ou télécharger un extrait du journal sur ce lien.

 

 

 

L’ART-THÉRAPIE, SELON ALAIN KIKANN :

 

«A partir du moment où les patients expriment, identifient et cherchent à comprendre leurs émotions, l’objectif majeur est de travailler sur une régulation voire une transformation de celles-ci. En effet, le processus émotionnel n’est en aucun cas figé. Il peut se modifier en profondeur par un réapprentissage qui passe particulièrement par une transformation de nos croyances. Il peut également se cultiver et se développer, car si le déterminisme entre en ligne de compte dans le processus émotionnel, l’éducation joue également un rôle aussi important que la génétique. L’expérience émotive dépend donc en grande partie des croyances que l’on a développées depuis l’enfance, et en ce sens les émotions peuvent se moduler, se modifier et se transformer. [...]

 

Dans le cadre du traitement de l’addiction, l’art-thérapie permet un apport considérable sur le travail de la régulation émotionnelle, et plus largement sur le développement de l’intelligence émotionnelle» (Dikann 2021 : 108-109).

 

«En séances d’art-thérapie, le travail sur l’expression, l’élaboration et la régulation émotionnelle se fait d’abord individuellement, même si les séances sont collectives. Dans un premier temps, chaque patient va au contact de ses propres émotions en créant individuellement. Dans un second temps, les patients sont appelés à créer selon un dispositif semi-collectif ou collectif (par deux ou par trois) afin qu’ils puissent confronter leurs émotions, recevoir celles des autres et les comprendre (cf. chapitre 9).

La régulation émotionnelle est un aspect fondamental du soin en addictologie. Elle aide le patient à mieux tolérer son abstinence ou à mieux contrôler sa consommation. Elle est aussi un moyen pour lui de vivre plus harmonieusement avec lui-même et avec les autres, et ainsi de limiter le risque de rechute» (Dikann 2021 : 111).

 

Sources:

DIKANN Alain (2021), Combattre ses addictions par l’expression créatrice et l’art-thérapie, Paris : Editions Grancher.

JAUBERT Alain (2000), « Matisse », dans Les grands modernes, Palettes, Paris, dvd La sept vidéo et Éditions Montparnasse, 2000.

VANDEN DRIESSCHE Luc (2011 a), « Les enjeux de la créativité dans les soins et l’accompagnement », dans La lettre de l’enfance et de l’adolescence, vol. 83-84, no. 1, pp. 155-161.

VANDEN DRIESSCHE Luc (2011b), « La créativité dans les soins et l’accompagnement. Familles, professionnels et artistes face au handicap », dans Contraste, vol. 34-35, no. 1-2, pp. 331-353.

 

Image : Henri Matisse, La tristesse du roi, 1952 (source Wikiart)