L’alcool n’est pas accompagné d’une notice d’utilisation
En milieu festif, notre mission première, c’est d’informer. Nous voulons donner des repères concrets, sensibiliser aux risques et rendre visibles les comportements à éviter pour permettre à chacun de mieux comprendre ce produit. Dans notre société, l’alcool est banalisé, omniprésent et largement accepté: il passe presque au même rang que les denrées alimentaires. Mais, à la différence d’un aliment de tous les jours, les effets recherchés s’accompagnent d’effets secondaires trop souvent sous-estimés. On consomme l’alcool pour ses effets immédiats: l’euphorie, la désinhibition, la sensation de joie partagée. Sans repères clairs, il est facile de dépasser les quantités prévues et de s’exposer à des conséquences: malaise, vomissements, perte de connaissance, voire situations plus dangereuses. Ce ne sont évidemment généralement pas les effets recherchés, mais lorsque l’alcool sature l’organisme, le cerveau mobilise toute son énergie à l’éliminer. Cela altère alors la perception de la réalité et la mémoire de ce qui s’est passé.
1. La prévention par les pairs pour favoriser l’identification
Nos animateurs en prévention ont le même âge que le public cible et peuvent parler par expérience de leur relation à l’alcool ou à la non consommation en soirée. Cette proximité favorise l’identification et ouvre la porte à l’authenticité. Chaque échange est unique car il s’adapte aux besoins de la personne rencontrée: «De quoi avez-vous besoin, là, maintenant?» Il arrive que l’écoute attentive permette à certains de faire une pause bienvenue, comme cette festivalière très alcoolisée venue trouver refuge sur notre stand, une bouteille à la main. Soutenue par un pair, elle a pu se reposer et repartir plus sereine, en oubliant même sa bouteille.
2. Les lunettes de simulation pour comprendre les effets
Pour sensibiliser concrètement aux risques de la consommation, rien de tel que de s’y confronter de manière ludique et sécurisée! En portant des lunettes qui simulent l’ivresse, les visiteurs de notre stand découvrent l’impact direct de l’alcool sur l’équilibre, la perception ou la coordination. Les activités «Flou pong» (une variante sans alcool du beer pong), parcours d’obstacles ou puzzles à réaliser avec ces lunettes permettent un déclic: «Je ne pensais pas que ça pouvait donner ça!» Ces simulations permettent de rebondir sur les ressentis exprimés et d’engager la conversation autour des effets réels de l’alcool, au-delà des idées reçues.
3. Les quiz pour déconstruire les mythes sur l’alcool
En offrant des repères scientifiques, les quiz favorisent les prises de conscience. Interrogée sur les repères de consommation, une participante réalise brusquement que sa mère boit peut-être trop: un échange sincère s’amorce, qui lui permet de repartir informée, soutenue, avec des ressources à disposition. Les questions sur l’alcool et le sommeil donnent lieu également à bien des surprises: dans l’imaginaire collectif, une bière aide à s’endormir. Pourtant, l’alcool diminue la qualité du sommeil, le corps devant travailler à le métaboliser, ce qui laisse la personne fatiguée au réveil.
Article réalisé par Astrid Stauffer-Engeström, responsable du Secteur prévention
Julie Chautard, chargée de projets Secteur prévention (Interview)
Tout au long du Paléo Festival, les pairs de prévention se sont engagés sur le stand RaidBlue. J’ai été frappée par la diversité des profils de notre équipe et par l’impact que cela a eu sur les échanges. Les festivaliers gravitaient naturellement vers les pairs qui leur ressemblaient, ce qui, j’en suis convaincue, facilitait le dialogue. Cette année, nous avons proposé au public une nouvelle animation: moins ludique, mais davantage axée sur une expérience émotionnelle. Les participants étaient immergés dans des mises en situation, par exemple «avoir trop bu et se retrouver à essayer d’ouvrir la porte de chez le voisin». À travers des échanges en groupe, les émotions vécues comme la peur, la colère, le sentiment de solitude, pouvaient être nommées et partagées.
FEDERICO, PAIR DE PRÉVENTION (Interview)
Sur le stand RaidBlue au Paléo Festival, je me souviens d’une discussion avec deux jeunes filles au sujet de leur relation à l’alcool. Elles estimaient réussir à gérer leur consommation. On a eu un bon temps de partage sur les risques et les effets de l’alcool. Trop souvent, les gens pensent qu’on va leur dire qu’ils doivent arrêter de consommer. En réalité, on essaie plutôt de les responsabiliser: «si tu choisis de consommer de l’alcool, voilà quelques conseils ». Par exemple, boire un verre d’eau entre deux verres d’alcool pour ralentir le rythme de consommation. Certaines personnes timides utilisent l’alcool pour se sentir plus à l’aise socialement. Je me souviens d’échanges sur un stand dans le Jura bernois avec des filles qui consomment chaque week-end. Comme tant d’autres jeunes, elles avaient du mal à envisager faire la fête sans alcool. Au fond, les jeunes boivent pour s’amuser, pas pour se faire du mal. Le problème, c’est que même s’ils n’en ont pas conscience, ils peuvent s’exposer à des risques réels. Notre travail, sur les stands, c’est d’aider le public à avoir du recul sur ses consommations.
Propos recueillis par Laetitia Gern