Et pourquoi pas ?!

L’Entracte Bleu est situé aux Acacias à Genève, à deux pas du bord de l’Arve. En mettant en avant des approches créatives et originales, je peux proposer à un homme que j’accompagne en suivi de vivre une fois l’entretien à ciel ouvert le long du cours d’eau. Sortir des murs, au sens propre comme au figuré, c’est oser prendre des chemins différents.

Cela fait des années que la Croix-Bleue romande a des Espaces Femmes qui invitent au partage et à la parole des femmes touchées par une problématique d’addiction. Jusqu’à l’année dernière, il n’y avait pas de groupe spécifique pour les hommes. Plutôt que de me dire «c’est comme ça», j’ai lancé l’idée et celle-ci a fait mouche. Le Forum pour hommes est alors né et contribue aujourd’hui à la dynamique de la Section genevoise.

Dessinez c’est gagné!

J’utilise souvent un flipchart lors des consultations individuelles ou même de certaines activités de groupe. Avant le rendez-vous, je dessine un outil ou un concept de manière créative sur une feuille blanche. En fonction de la discussion, je peux utiliser à un moment ou un autre ce qui a été préparé pour capter l’attention du bénéficiaire et vulgariser un point ou un autre des mécanismes des addictions par exemple. Chaque dessin est différent puisqu’il s’adapte au moment et aux besoins de la personne.

Beaucoup sont touchés et se sentent valorisés: « si vous prenez la peine de penser à moi avant l’entretien et de préparer des idées qui sortent de l’ordinaire juste pour moi, alors je peux m’ouvrir ». A la fin de l’entretien, ils demandent presque toujours s’ils peuvent prendre une photo du flipchart.

«Quelle couleur voudriez-vous utiliser ici ? Dans ce graphique, dans quel sens va la flèche?». Ce procédé est très collaboratif et permet à la personne de s’approprier l’objet réalisé. Le bénéficiaire et le soignant créent ensemble une atmosphère, un lien, un espace de liberté favorable à la progression de la personne. Au-delà des dessins, cela ouvre et crée des nouveaux scénarios de vie.

L’art de rebondir

Récemment, un homme que j’accompagne est arrivé à l’entretien avec un appareil pour écouter de la musique. Assis en face de moi, les deux mains sur la table, il me lance « j’ai apporté une musique, j’aimerais l’écouter ». Y a-t-il une raison particulière ? « Non, c’est juste parce que je l’aime ». On met la musique et l’entretien se poursuit. Avant de partir, je lui propose de choisir une musique pour la fois suivante. Cela devient alors un support pour parler des émotions. J’ai compris que c’était son langage. En tant que soignant, plutôt que de venir avec des concepts qu’on essaie de coller aux situations que l’on rencontre, j’aime me dire qu’on peut rebondir, qu’on peut s’adapter à la réalité de la personne en face de nous.

Article réalisé par Philippe de la Fuente, collaborateur social

Article paru dans le journal Exister sur la créativité.