La prévention: en ligne et hors-ligne

Au lendemain d’une semaine de prévention au Paléo Festival de Nyon, s’interroger sur les avantages et les limites du numérique n’est pas anodin. Si l’efficacité de la prévention en ligne n’est plus à démontrer, retrouver le public en chair et en os après deux ans de « pause covid » nous a confirmé encore une fois l’importance du présentiel.

Le numérique comme relais 

Le programme de prévention RaidBlue s’adresse aux jeunes de 14 à 25 ans, une population particulièrement présente, on le sait, sur les réseaux sociaux. L’interview de Marjory Winkler, responsable de Ciao.ch, a bien montré l’utilité d’une ressource en ligne pour accompagner les jeunes en privilégiant l’anonymat. Le succès auprès des jeunes d’un projet uniquement numérique me fascine. L’équipe de Ciao a véritablement réussi à créer un espace de confiance. C’est d’ailleurs l’une des ressources que nous proposons.

Avec RaidBlue, la porte d’entrée principale du programme est aujourd’hui hors ligne. L’utilisation du numérique est pour l’instant envisagée plutôt comme un relais, après un contact sur le terrain. Nos ressources numériques sont nos réseaux sociaux, notre site internet et notre newsletter mensuelle par email.

Le présentiel pour l'expérience 

Une facette de notre travail de prévention est de faire vivre une expérience. Les lunettes simulant 0,5 ‰ d’alcool en sont un bon exemple et sont appréciées sur le terrain. Les essayer, c’est se rendre compte que des actions simples deviennent complexes. La motricité fine devient un défi de haut vol lorsqu’on essaie de faire un puzzle ou un jeu d’adresse. La perception de l’espace se révèle quasiment impossible lorsqu’on s’essaie au jeu twister avec les lunettes d’alcoolémie sur le nez. Cette expérience permet d’ouvrir la discussion et met en lumière les effets d’une alcoolisation souvent sous-estimés puisque progressifs. La prévention par l’expérience nous permet d’éviter le piège de l’infantilisation et le vivre en présentiel facilite les échanges personnalisés et les interpellations.

La prévention alcool a cela de particulier que nous avons affaire à un produit banalisé. Les jeunes que nous approchons ont bien souvent l’impression d’en maîtriser les contours. Et pourtant, l’expérience des quiz de prévention révèle bien l’importance d’une transmission d’informations précises.

Le moment « Wouah… »

Lors d’un stand en milieu culturel vécu ce printemps, j’ai rencontré deux jeunes préadolescentes, affairées à répondre aux questions du quiz. L’une des questions portait sur le nombre de verres d’alcool à partir duquel on parle de consommation à risque. En découvrant le seuil établi par l’OFSP, l’une d’elle a répondu «… alors ma mère, elle est mal…». Je lui ai demandé si sa maman buvait beaucoup et elle m’a répondu «oui, énormément, mais elle le sait. Elle ne cherche pas d’aide. Elle est déprimée, elle prend des médicaments et elle boit». J’ai été impressionnée par la maturité de la jeune fille, consciente que ce n’était pas à elle d’en porter le poids et que c’était la responsabilité de sa mère. Je lui ai dit que si elle souhaitait en parler, elle pouvait en tout temps téléphoner à la ligne SOS Alcool* ou donner ce numéro à sa maman.
Est-ce que cet échange aurait pu se passer en ligne ? Je n’en suis pas certaine. Après tout, peut-être que des prises de conscience différentes et complémentaires peuvent avoir lieu en ligne ou hors ligne. D’où l’importance d’une articulation entre les deux aspects.