Le courage de faire une demande de prise en charge

L’écoute active fait partie des outils de travail de l’accompagnement psychosocial. Des supports médiateurs jouent aussi un rôle important puisqu’ils mobilisent les ressources de la personne.

Un travail de détective

Le travail de l’accompagnant ressemble parfois à un travail de détective pour repérer non seulement les raisons mais aussi les buts recherchés lors d’une consommation d’alcool. Par exemple, certaines personnes pourront s’attacher aux effets ressentis que procure l’alcool pour soulager des tensions, des douleurs physiques ou pour atténuer des émotions et cette liste n’est pas exhaustive. Dans un contexte de besoin de mieux être ou de ressenti moins douloureux, le risque est grand de voir s’installer une dépendance au produit. Il ne s’agit pas seulement de rechercher les concepts théoriques pour expliquer intellectuellement une situation problématique. Il faut s’intéresser à la personne par rapport à son concept, son environnement, ses histoires difficiles de vie et surtout ses interrogations et interactions actuelles. C’était le cas pour un bénéficiaire dont l’idée d’un sevrage était presque impossible. Dans une approche participative, pragmatique axée sur les ressources en fait, ce qui comptait c’est sur quoi ou sur qui, il pouvait s’appuyer. En mettant en évidences ses compétences et en les mobilisant, cela à donner lieu à un réseau avec le médecin qui lui a proposé un programme sans forcer l’adhésion à celui-ci. Tout un travail d’écoute de soutien mais surtout la liberté de prendre, le fait de comprendre ce qui se jouait dans sa souffrance a ouvert la porte la prise en charge médicale. Les évaluations médicales ont révélé un foyer infectieux. En tenant compte d’une souffrance qui était physique et d’une consommation en automédication en réponse à la douleur, les investigations ont mené à une opération et une prise en charge holistique de cette personne avec pour effet un sevrage au niveau de l’alcool et même de certains médicaments utilisés abusivement.

Dernièrement, un bénéficiaire m’a dit «la colère ne devrait pas exister». Cette simple phrase a été le point de départ de l’entretien. Il s’est rendu compte qu’il cherchait à se couper de cette émotion jugée destructrice pour lui et envers les autres. De ce fait, il s’était coupé de son indicateur de besoins, ne pouvant plus les exprimer clairement notamment au point de vue de son désaccord dans une situation donnée. La frustration engendrée donnant lieu à une consommation dite de récompense mais en tout cas pas comme compensation à une communication muselée et un état angoissant.

En suivi, un homme disait ne jamais arriver à s’arrêter de boire une bouteille en entier, entamée elle devait être terminée. A quoi est-ce que cette impossibilité était-elle liée ? En travaillant les messages contraignants, ce bénéficiaire a pris conscience qu’il était coincé dans un système de loyauté vis-à-vis de son père. En effet, lorsque père et fils se retrouvaient pour régler un problème, une bouteille était d’office ouverte et son contenu partagé tout au long de la discussion. On ne terminait pas l’entretien sans que le père dise « On doit la finir cette bouteille ».  Ces moments de partagent étaient important pour mon bénéficiaire ainsi que le lien tissé dans le relationnel. Aujourd’hui, le père n’étant plus là pour entendre et discuter des problèmes, seul dans la résolution de ce qui se passe et fidèle à la loyauté de ces moments passés avec le père, impossible de ne pas finir la bouteille !

On voit bien là, avec ces quelques exemples tous les enjeux, les liens, les influences, les relations, les souffrances qui entourent la problématique de consommation. On me dit parfois «je vais vous dire quelque chose qui n’a rien à voir ». Ces moments-là sont précieux parce qu’ils introduisent souvent une grande part de vérité, comme si la personne trouvait quelque chose d’enfoui dans ses souvenirs. L’accompagnement doit être respectueux de la participation du bénéficiaire, de son engagement, de ses impressions, de ses souvenirs, de ses ressentis car tous forment un écosystème. Être attentif à cet « éco » et y répondre permet l’activation d’un processus de changement. Et oui cela demande du courage mais au dire des bénéficiaires que j’accompagne qu’est-ce que cela soulage !

Astrid Stegmann

Collaboratrice sociale

Pour le journal Romand bleu.